Lettre au mal-aime

C’est ainsi que s’achève ce voyage extasié :
Dans le sang, dans les larmes, dans le silence des sentiments.
C’est ainsi que s’achève cette joviale croisière,
La jonque arrive au port, à quoi sert-il de naviguer encore ?
Quand les paysages exotiques sont devenus des banalités,
Les voyageurs sont las de leur intimité.

Quand l’heure est aux souvenirs non lointains de l’ineffable fanfare à présent effacée,
Quand l’heure met fin à la gloire des trombones,
On n’entend plus que le pas militaire
Des musiciens déchus, mais sages de se taire.

C’est le moment plat des goulées de l’océan,
C’est le goût fade du plat odorant,
C’est la plaque d’égout sur de dégoût placide.

Te souviens-tu du bûcher flamboyant
Qui brûlait dans mon ventre depuis la nuit de notre temps ?
-Du rouge de tes lèvres et de l’or de tes prunelles-
Il s’est éteint !
Même si les braises vacillantes
Portent encore vaillamment tes couleurs,
La rosée fraîche du matin nouveau
Tarira leur audace ardente.

On l’attendait comme le sourire sur le visage d’un dépressif :
Tout en sachant qu’il n’est question que de temps,
C’est une surprise pour les proches hagards
Secrètement heureux de voir disparaître un malaise figé.

C’est le vase dans sa chute,
C’est la vase où l’on trébuche,
C’est l’azimut abusé d’une distance immuable.

C’est ainsi que je te quitte !
Je t’offre une rupture,
Fais en bon usage,
C’est l’alibi de l’insomniaque,
C’est la cause du romantique,
C’est la conséquence du fumiste.