Fable citadine II - le Poete et la Muse

« Les mots ne me viennent plus… » Disait-il,
Ils sont partis dans une contrée lointaine
A la recherche du soleil,
Révoltés d’être soumis
Aux sombres délires du poète rassis.

Les voilà marchant sur la ligne de l’horizon :
«  De l’eau de vie ;
De l’eau devant ;
De l’au-delà ! »
Soufflaient les échos de l’azur.
« Taisons-nous,
Tirons-nous,
N’attisons pas l’inspiration »
Répliqua la mémoire.
Hélas, Monsieur Discours fut pris de mélancolie :
« Dans la chair des étoiles,
Dans le feu de ses yeux,
Dans le feu de sa chair,
Dans les étoiles de ses yeux,
Dans les… »
Mais les mots ne se prêtaient plus à être entendus,
Il disparut sans que personne ne le remarquât.

« Reprend tes esprits, ou je les prendrais moi-même »
Susurrait la folie qui s’entichait du poète.
« Ô ma douce ! S’écria l’homme,
Tu es la seule parole qui m’est encore fidèle !
Installe ton bivouac prêt de mon tympan
Et je te chérirai par l’encre et la plume.
Garde-toi bien de t’enfuir
Ou bien il ne me reste plus que l’ombre basse du tombeau. »
Débarrassée de ses maux,
La folie fit du créateur son palais.

Le temps passa ;
Les mots,
Soucieux de survivre,
Comprirent qu’il ne fallait pas être oubliés.
Tandis que certains se prostituaient dans la bouche des hommes, les plus nobles se voyaient invités chez la folie qui se fit comtesse. Accueillis dans le luxe, conviés à souper des mets les plus somptueux, cette troupe aristocratique laissait la comtesse user volontiers de leurs soins, qui les plaçait à son aise dans les divers salons de sa demeure.
Dès lors, la vie du poète se réduit à la sinécure d’un copiste
Contraint et redevable à sa maîtresse.

Ne blâmer pas l’écrivain
S’il n’a plus l’entrain d’écrire,
Il lui manque les maux justes
Rendant justice des mots.